Entretien avec Marc Falipou, responsable maintenance du groupe Danone

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Âgé de 50 ans, Marc Falipou est ingénieur, par métier, par formation et « par passion ». Après un début de carrière dans l’industrie du verre, en R&D plus précisément, période durant laquelle il effectue un doctorat en sciences physiques, il entre chez Michelin, d’abord au service ingénierie puis à la maintenance, où il apprend le métier en dirigeant jusqu’à 200 personnes. Il crée ensuite une société de services et de conseils avant de prendre la direction de la maintenance de groupe Danone.

En quoi consiste la fonction de responsable maintenance au sein d’un groupe comme Danone ?

Tout d’abord, précisons que Danone, c’est trois métiers : les produits laitiers, l’alimentation spécialisée et les boissons (à commencer par l’eau). La production est effectuée dans les quelque 220 usines réparties dans le monde. Concernant plus précisément la maintenance, ce service représente à lui-seul près de 360M€ de chiffre d’affaires – soit un million d’euros par jour ! Quant au responsable maintenance dans tout ça, son rôle premier est de faire appliquer les règles du groupe (mesure de performance, indicateurs homogènes, paramétrage de GMAO…) auprès des correspondants régionaux chargés de la performance, et d’être le gardien des bonnes pratiques. Seconde mission : former les coordinateurs régionaux afin de réduire les écarts de performance entre les usines et les rendre autonomes. Cela passe donc par un partage et une collecte de pratiques issues du terrain, ainsi que par des audits.

 

Quelles sont les problématiques et les activités de maintenance dans les usines du groupe ?

Les 220 usines du groupe Danone sont de tailles et de cultures très diverses. Réparties dans le monde entier, elles emploient parfois 100 salariés, parfois 1 000 pour les plus grandes… Si bien que chacune a sa propre feuille de route ; il y a donc autant de plans d’action que d’usine dans le groupe ! en d’autres termes, notre stratégie réside dans le fait que chaque usine doit prendre possession de son plan d’action.

Notre stratégie repose sur quatre principes : animer le réseau de coordinateurs évoqués précédemment, mener des audits de maintenance nous permettant de mesurer la performance, partager les bonnes pratiques et mettre en place des outils numériques. 

Sur les problématiques de maintenance, notons déjà que dans l’agroalimentaire, la maintenance sert pour une large part la qualité et la sécurité alimentaire, nos priorités absolues. Cela ne représente pas moins de 50% de nos activités de maintenance. L’autre moitié consiste à améliorer la performance ; dans ce cadre, nos équipes interviennent à deux niveaux d’activité : le process en continu composé de pompes, de vannes et d’instrumentation tels que des débitmètres : celui-ci est plutôt bien rodé, automatisé et ne nécessite pas tellement d’amélioration significative. Le second niveau d’activité concerne cette fois le packaging, domaine beaucoup plus mécanisé (avec des actionneurs, des vérins, du marquage, de l’étiquetage, des lignes d’emballage…) et nécessitant plus d’opérateurs de production. Cette partie nous pousse à aller plus loin dans la maintenance autonome par les opérateurs au pied des machines ; ceux-ci pourront faire davantage de réglages, d’inspection et d’opérations de graissage par exemple…

 

Quelles technologies concrètes avez-vous mis en place en matière de connectivité des machines et des équipements ?

 

Nous avons une réponse à deux niveaux. La première concerne le « remote access » : il s’agit de la possibilité donnée à un tiers, externe à l’usine, de se connecter à l’automate de la machine en visualisation seule afin d’aider au diagnostic d’un problème de nature « automatisme ». Ces technologies existent depuis longtemps et les connexions sont établies avec nos OEM (fabricants de machine), mais il demeure encore un champ de déploiement important.

 

Le second niveau de réponse porte sur la collecte de données machine, soit en Cloud, soit en edge, pour des applications multiples : MSP, optimisation de la consommation énergétique, optimisation des recettes et des cycles de nettoyage, interprétation des pertes… et parmi tous les cas d’emploi, nous avons la maintenance conditionnelle voire prévisionnelle. Notre équipe « digital manufacturing » est totalement dédiée à ce sujet et plusieurs solutions techniques sont comparées. Concernant la maintenance conditionnelle et prévisionnelle, nous privilégions des solutions proposées par nos OEM machine ou des OEM composants (pompes, moteur) pour bénéficier d’algorithmes déjà éduqués et éviter ainsi les longues phases d’apprentissage qui nécessitent l’implication de nos experts internes pour trier les fausses alertes des vraies.

Avec le recul, nous observons que l’introduction des techniques de connectivité impliquent un changement des pratiques de travail. Par exemple, la maintenance prévisionnelle suppose d’abandonner la traditionnelle maintenance préventive calendaire (pour les tâches non réglementaires en tous cas) pour s’orienter vers des interventions « à la demande ». Il ne faut pas sous-estimer la difficulté d’opérer ces changements, et c’est pourquoi nous avons des experts métiers au sein de l’équipe « digital manufacturing » pour accompagner ces évolutions, indispensables pour bénéficier des avantages apportés par la technologie.

Nous avons également mis en œuvre un programme « connected worker » visant à donner des moyens technologiques au opérateurs et techniciens pour plus de précision et d’efficacité opérationnelle.

 

Quel grand chantier reste-t-il à Danone pour améliorer encore ses opérations de maintenance ?

Chaque usine étant unique par nature, avec son histoire, sa culture, son marché, son personnel, sa technologie… il est difficile de globaliser une réponse précise ici. Je dirais néanmoins que la plupart de nos usines contrôlent leurs opérations de maintenance, c’est-à-dire qu’elles délivrent une performance stable pour un coût maîtrisé. C’est ce que nous appelons en interne le niveau de maturité 2.

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